Si l’on suit le raisonnement du philosophe Alexis Philonenko, “Premièrement il doit atteindre une zone sensible (par exemple Tunney ébranla Dempsey d’un direct au cœur) ; un coup qui se perd dans les épaules pourra faire mal, ce ne sera jamais un punch. Deuxièmement un punch (qu’il s’agisse d’un direct ou d’un crochet) doit être effectué avec la plus grande précision et à la plus haute vitesse ; rares sont les pugilistes capables de réaliser de tels coups, déjà dans ces conditions un bon direct du gauche est difficile à exécuter. Troisièmement le coup doit être porté avec sa puissance maximale. Ces trois conditions sont rarement réunies ; le sont-elles, on obtient le punch”. Mais si la précision et la technique peuvent s’obtenir à l’épreuve de la salle d’entraînement, en est-il de même pour la puissance de frappe ? Pourvu d’une technique des plus rudimentaires, le “Bronze Bomber” est capable d’éteindre la lumière sur un seul coup, et ce n’est pas Luis Ortiz qui viendra nous contredire.
Avant la limite
L’expression la plus parlante du punch est sans aucun doute le knockout (K.-O.). Du point de vue scientifique, il s’agit d’une rupture du fonctionnement neurologique causée par un choc à la tête, c’est-à-dire une commotion cérébrale. Le taux de victoires par K.-O. d’un combattant nous donne ainsi un premier aperçu de son punch. Mais au-delà de la quantité, il faut aussi observer la qualité des K.-O. avant de pouvoir déterminer si un combattant est un puncheur ou non car un autre genre de boxeur peut se mesurer à son pourcentage de victoires par K.O : les frappeurs.
Ceux-ci misent sur leur puissance en envoyant un maximum de frappes lourdes afin de déborder leur adversaire, jusqu’à ce qu’il tombe d’épuisement ou abandonne. C’est le cas de Maïva Hamadouche par exemple, dont le taux de victoires avant la limite s’élève à 81%. Loin d’obtenir la victoire sur un seul coup dévastateur, elle avance telle une tempête dont chaque bourrasque ébranle son adversaire, incapable de suivre le rythme imposé. Si le pourcentage de victoires avant la limite nous donne une première information sur le style d’un combattant, les victoires par arrêt de l’arbitre ou jet de l’éponge ne sont pas l’apanage des puncheurs. Seuls les coups nets et précis envoyant l’adversaire au pays des songes portent leur signature.
Génétique VS entraînement
“Le puncheur, sur un coup il va te sécher. C’est un don” nous confie l’entraîneur expérimenté du BC SQY 78, Tanguy Farrugia, point de vue que partage Georges Foreman dans un article du Guardian avant d’ajouter “Si vous l’avez, un formateur peut le développer et l’exploiter. La pire chose au monde est de l’avoir et de ne pas avoir de formateur pour vous expliquer ce que vous avez”. Certains combattants sont en effet nés avec des aptitudes propices au punch, comme une puissance hors du commun ou une vitesse de bras exceptionnelle.
Deontay Wilder entre dans cette catégorie. “C’est naturel, je n’ai pas à soulever de poids, point final. Je n’ai pas besoin d’aller dans une salle de musculation, je n’ai pas à aller au gym et ma condition physique, mon corps, ma carrure seront ce qu’ils sont. Demandez aux gens qui m’entourent », se targue l’ancien champion du monde au Guardian en 2019. L’ancien champion du monde des poids lourds WBC ne gagne pas ses combats grâce à une technique de pointe ou une stratégie intelligente, il écrase ses adversaires grâce une génétique phénoménale dont il a bien sûr optimisé le potentiel avec un entraînement draconien. Son corps musculeux et sec lui permet de décocher des coups dévastateurs, capables d’électrocuter les mentons les plus solides.
Pour exemple, dominé durant tout son combat face à Luis Ortiz le 23 novembre 2019, un seul coup a suffi au Bronze Bomber pour désarticuler son adversaire. D’après le préparateur physique Dominique Paris, cette aptitude serait “lié à un pourcentage de fibres rapides prédominant (ces fibres bénéficient de meilleures connexions nerveuses notamment)” mais aussi à “la qualité de coordination intra et inter-musculaire (lié encore à la qualité des circuits muscles-système nerveux)” peut-on lire sur son blog preparation-physique.blogspot.com.
“Vous pouvez enseigner la puissance” suggère Evander Holyfield interrogé par le Guardian. Outre le fait que l’entraînement de base de la boxe anglaise développe la précision, le sens du timing ou encore la coordination, il existe des exercices visant à affûter le punch en particulier. “Dans le monde de la physique, la puissance peut être calculée sur la base de la force et de la vitesse” nous expliquent les docteurs Paulie “Gloves” Gavoni et Alex Edmonds dans un article du Bloody Elbow datant de 2017. Des programmes d’entraînement spécifiques existent, principalement axés sur le travail de la force et de la vitesse, mais aussi sur leur optimisation. Des exercices permettent, notamment à l’aide de la medicine ball, de travailler la capacité à transférer la puissance des pieds jusqu’aux poings.
Mais tout le monde ne partage pas l’avis du Real Deal. “Vous pouvez améliorer la puissance d’environ 10% grâce au conditionnement et à la technique, de sorte que vous pouvez prendre un gars qui n’est rien et le rendre au moins respectable, et vous pouvez prendre un gars qui est un très bon frappeur et faire de lui un meilleur frappeur de 10%. Mais la meilleure amélioration que j’ai jamais vue est d’environ 10%” confie Jay Deas, l’entraîneur de Deontay Wilder, au Guardian.
Pour Dominique Paris au contraire, “la plupart des boxeurs non puncheurs ne veulent pas faire l’effort de tenter le gros boulot qu’il faut faire, on leur a sans doute mis aussi plein d’idées préconçues… Et c’est pour cela (en grande partie) que la boxe en France est au plus bas: pas de puncheurs donc combats « chiants » et ça n’excite personne (public et médias)”, car selon lui, “une musculation très ciblée et orientée sur la force avec les bons exercices peut effectivement améliorer le punch. Mais on n’améliore pas seulement les fibres rapides, on améliore aussi la coordination donc l’efficacité de transfert de force du bas vers le haut. Donc un travail fonctionnel du bas vers le haut (jambes, abdos, épaules mais aussi dos) avec un choix stratégique d’exercices est essentiel (il y a là différentes options)” explique-t-il sur http://preparation-physique.blogspot.com.
Bien que le débat soit loin d’être clos, tout porte à croire qu’un entraînement adéquat permet d’optimiser à son maximum la puissance de frappe d’un boxeur, mais même avec la meilleure volonté du monde, la plupart d’entre nous n’atteindra jamais le punch de Deontay Wilder…