Nous aurions aimé rencontrer l’équipe de France olympique lors d’une séance d’entraînement. Malheureusement, à quelques semaines du dernier tournoi de qualification olympique, les boxeurs français se trouvent à huis-clos à l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (INSEP) à Paris. Et pour cause, les athlètes qui seront positifs au Covid-19 la semaine du tournoi seront éliminé d’office.
Joints par téléphone, John Dovi, Mourad Aliev, Mona Mestiaen et Wilfried Florentin nous racontent leur préparation pour les Jeux Olympiques en ces temps si particuliers.
Lorsque l’épidémie de Covid-19 est arrivée, personne n’aurait imaginé qu’elle durerait autant de temps. Encore moins qu’elle mettrait à mal les plus grands événements internationaux. Les tests, les reports, les changements de dernière minute… voilà avec quoi jongle John Dovi depuis un an. Le manager de l’équipe de France olympique doit s’adapter encore et toujours. « Comme vous pouvez l’imaginer, à cause de l’épidémie, nous n’avons pas eu la préparation que nous aurions dû avoir ». L’équipe aurait dû se retrouver au Comité Départemental Olympique et Sportif de Bugeat, en Corrèze. « Bugeat, c’est isolé, en pleine campagne, ça limite les distractions. » La préparation finale se fera finalement à l’INSEP. « Il faut faire venir des sparring-partners tout en faisant extrêmement attention à ne pas se faire contaminer, puisque ça risquerait ensuite de se propager à toute l’équipe. » Alors que Billal Bennama et Samuel Kistohurry sont d’ores et déjà qualifiés, 8 français(es) sont encore en lice pour Tokyo 2020. Ces boxeurs participeront au tournoi de qualification olympique à Villebon, en région parisienne, du 4 au 8 juin. « Le tournoi mondial ayant été annulé, celui-ci représente la dernière chance de se qualifier pour les boxeurs européens.»
RETOUR À ZÉRO
Londres, mars 2020, alors que le monde entier commence à prendre conscience de la gravité de la situation, le tournoi de qualification olympique européen de boxe est le dernier événement sportif encore en cours. Il sera finalement suspendu à la fin de la troisième journée de compétition. Coup dur pour les athlètes qui attendent avec impatience les J.O tous les quatre ans. « J’étais vraiment dégoûté avec toute la préparation que nous avions fait depuis un an » témoigne Mourad Aliev, poids super- lourd de l’équipe de France. Même son de cloche pour Mona Mestiaen qui avait remporté son premier combat face à la boxeuse danoise. « Tout le monde se posait des questions quant à la suite du tournoi. Je devais boxer le 17 mars, le jour de mon anniversaire. A la pesée, on nous annonce l’arrêt du tournoi et que nous devons rentrer chez nous. J’attendais ce moment depuis tellement longtemps. Le plus dur, c’était d’apprendre le report d’un an. J’étais au top de ma forme, on avait fait une grosse préparation avec de nombreux stages loin de chez nous. On devait tout recommencer ».
Wilfried Florentin, jeune poids lourd, arrive à relativiser. « Je me disais que c’était un mal pour un bien. J’étais blessé, j’ai pu me soigner. Je me suis fait opérer, j’ai eu le temps de faire ma rééducation. » « C’était un choc pour les boxeurs. Certains préparent cette compétition depuis quatre ans. » John Dovi laisse alors une semaine de récupération aux boxeurs pour leur permettre de digérer la nouvelle. « En revenant de Londres, nous avons subi un confinement de deux mois. Nous n’avions le droit qu’à une heure de sport par jour à l’extérieur. J’ai demandé à chacun de recenser tout le matériel qu’il avait à disposition chez lui. A partir de là, le préparateur physique leur a concocté un programme d’entraînement adapté ». Le manager organise des visioconférences pour garder le contact avec l’équipe. « Toutes les semaines, on se retrouvait et on discutait avec des intervenants comme le préparateur physique, notre kiné pour les sensibiliser sur les étirements et axes de récupération, un spécialiste du sommeil. C’était l’occasion de se revoir, c’était une bonne ambiance. »
UNE DEUXIÈME PRÉPARATION
« Lorsque nous avons appris que les Jeux étaient reportés d’un an, j’ai organisé un stage de « retrouvailles » pour repartir à zéro. Il n’y avait plus d’urgence. L’objectif était de retrouver cette notion de groupe. » L’équipe recommence alors une nouvelle préparation physique. Pour éviter les contagions, de nouvelles dispositions sont mises en place. « Le CIO nous a fortement conseillé de réduire les stages multi-nations ». Le manager des Bleus ne laisse rien au hasard. « Aujourd’hui la boxe est plus professionnalisée, on est attaché au détail. On porte une plus grande importance à la préparation physique, l’individualisation de la préparation du boxeur ».
Cela se traduit par deux entraînements quotidiens. « Le matin plutôt physique : musculation, travail sur piste… et l’après-midi c’est spécifique boxe : mise de gants, sparring, travail à thème » témoigne Mourad Aliev. « Lors des assauts, les coachs nous donnent des thèmes individuels sur lesquels nous devons travailler, selon nos forces et nos faiblesses » ajoute Mona Mestiaen. Du 18 avril au 3 mai, l’équipe olympique s’est rendu à Chula Vista, en Californie pour un stage d’opposition avec l’équipe américaine. « C’était intéressant. Ils n’ont pas du tout le même style qu’en Europe, c’est une boxe plus professionnelle. Les boxeuses américaines sont plus combatives, elles recherchent plus le coup dur » nous racontent Mona Mestiaen.
Pour Wilfried Florentin, jeune poids lourd de l’équipe de France ce fut l’occasion de retrouver ses sensations sur le ring. « Même si ce n’était pas des combats officiels, nous étions face à des adversaires que nous ne connaissions pas, dans un environnement différent. » Une partie de l’équipe enchaîne avec le tournoi international d’Usti, en République Tchèque. L’objectif étant que les pugilistes français affrontent des boxeurs de différents pays pour être prêts à affronter tout style lors de la compétition.
« LES JEUX OLYMPIQUES, C’EST LE GRAAL »
Après plus de 15 ans de carrière, les Jeux Olympiques constituent une consécration pour Mona Mestiaen. « Les Jeux, c’est le graal. C’est une ambiance unique avec tous les athlètes du monde entier au village olympique. Même si cette année, ce sera sûrement différent étant donné le contexte. J’ai fait les Jeux Européens à Minsk en 2019. Rien que d’entrer dans le stade avec la cérémonie d’ouverture, c’était une émotion très forte. » Réunissant les nations du monde entier, les Jeux Olympiques font rêver tout sportif amateur.
Oscar De La Hoya, Mohamed Ali, Sugar Ray Leonard, de nombreuses légendes se sont forgées aux J.O. Une médaille olympique peut confirmer l’avènement d’une carrière amateur chez certains ou booster le passage chez les professionnels pour d’autres. « En France, la boxe n’est pas un sport aussi médiatisé que le football. Le fait de montrer mon talent au plus grand nombre, c’est ça qui m’intéresse » continue la boxeuse. « Gagner une médaille aux Jeux, c’est faire partie des meilleurs boxeurs mondiaux » nous disait simplement Samuel Kistohurry, en décembre dernier. L’ambiance est bon enfant et tout le collectif est motivé à atteindre son objectif. « La boxe est un sport individuel avec une notion d’équipe. Le groupe se forge de manière naturelle. On passe tellement de temps ensemble. Chaque individualité nourrit le groupe, et inversement. » explique John Dovi. « A quelques semaines du tournoi, on travaille les derniers réglages, les petits défauts. C’est la dernière ligne droite. Il faut rester concentrer, c’est maintenant que tout va se jouer » conclut d’un air déterminé Wilfried Florentin.