Dans la banlieue de Lyon, niché dans un parc d’activités se trouve la première salle de boxe haute performance de France. Sur le ring, Anaëlle Angerville, championne du monde de muay thaï est encadrée par Julien, préparateur physique. De l’autre côté de la salle, des boxeurs loisirs enchaînent des rounds au sacs de frappe, shadow et renforcement musculaire. « Le matin, ils sont une vingtaine de personnes à venir s’entraîner. Le soir j’ai les compétiteurs confirmés avec les pros » explique Fayçal Omrani, entraîneur principal.
Depuis un an, le Cross Counter Boxing Gym a ouvert ses portes. Lancé par Fayçal Omrani, Michel Soro, boxeur professionnel, Julien Aldeguer, kinésithérapeute et Nacer Rachedi. Après avoir évolué pendant plus de 10 ans au Club Pugilistique Villeurbannais, ils ont voulu créer « un haut lieu de la boxe ». « On a travaillé au sein de l’association Club Pugilistique Villeurbannais. C’était très bien mais ça a beaucoup de limites pour les boxeurs professionnels et amateurs élites » explique Julien.
Dans certains pays, la boxe est un porte-drapeau. En France, y’a tellement de disciplines que c’est pas la priorité
Comme la plupart des clubs de boxe en France, le Club Pugilistique Villeurbannais est une association sportive, la municipalité ne tient pas compte des échéances des compétitions internationales. Fayçal Omrani se rappelle d’une période où pour préparer un championnat d’Europe avec Michel Soro, la salle était fermée pendant les vacances estivales. « On s’entraînait à l’extérieur ou on allait à droite, à gauche dans d’autres salles de boxe ».
Pas une fatalité pour Faycal. « Il y a 2000 associations sportives à Villeurbanne et la boxe n’est pas la priorité. Il faut l’accepter et trouver des solutions privées ». C’est pour cela qu’ils ont fondé le Cross Counter Boxing Gym. Issu du quartier de Buers, c’était naturel pour eux de rester dans leur ville. « Je suis né, j’ai grandi à Villeurbanne, tous mes souvenirs sont à Villeurbanne. C’est ma ville » ajoute Fayçal.
Malgré ces conditions difficiles, Fayçal Omrani qui entraîne depuis une dizaine d’années a obtenu de nombreux résultats. Hakim Zoulikha et Omar Lamiri, ont été successivement champions de France et champions d’Europe de leurs catégories respectives. Michel Soro est devenu un challenger au titre mondial important dans la catégorie des super-welters.
Professionnaliser le monde de la boxe
Depuis plusieurs années, le monde de la boxe alerte le ministère des sports sur la situation chaotique de la boxe professionnelle en France. En 2015, un rapport a été remis par Fabrice Tiozzo, ancien champion du monde, au secrétaire d’Etat aux Sports pour améliorer le statut des athlètes.
Le secrétaire d’État de l’époque, Thierry Braillard, déclarait alors : « On appelle boxeurs professionnels des boxeurs qui ne vivent pas de leur sport. La plupart n’ont pas de statut social ni en termes de Sécurité sociale » dans un article de l’Humanité.
Cette situation n’est pas du goût de l’entraîneur. « Un boxeur doit s’entraîner tous les jours, deux fois par jour. Soit t’es boxeur professionnel, ou soit t’es chauffeur de taxi, carreleur, et le soir tu viens t’entraîner, et ça va être compliqué »
C’est pour cela que l’équipe de Villeurbanne a investi dans un espace de 400m2 avec toutes les infrastructures nécessaires. Pour aller plus loin et rivaliser avec les meilleurs boxeurs anglais, allemands ou américains. « Il faut des salles comme Cross Counter, où tu trouves les soins, l’administratif, l’aspect physique, technique, cardio dans un même endroit ».
L’entraîneur n’est pas peu fier de présenter sa structure. « J’ai fait la salle dont je rêvais étant gamin. Le CPV c’est une salle municipale avec très peu de moyens, il manquait pleins de choses. Tu vois juste la poire, c’est pas un outil que tu retrouves dans tous les clubs ». Avec une cabine de cryothérapie et un sauna, le coach s’est inspiré de ses expériences à l’étranger. « J’ai repéré à travers mes différents voyages les outils dont disposaient certains boxeurs, en Angleterre, aux Etats-Unis, en Ukraine, en Afrique ». « Ici, les athlètes peuvent s’entrainer tous les jours la salle est ouverte de 9h à 22h, y’a 4, 5 coachs pour les encadrer ». Ce qui explique que la cotisation soit plus élevée que la moyenne.
Fayçal Omrani reste optimiste quant au futur du sport. « Les salles de boxe ont toujours été pleines ». Les bons résultats de l’équipe de France aux J.O 2016 à Rio ont ramené de la lumière sur le noble art et les chaînes comme Canal Plus et SFR Sport ont investi dans ces boxeurs en phase de transition de la boxe amateur à la boxe professionnelle. « Tony Yoka fait du bien à la boxe, lui et toute son équipe, Jérome Abiteboul et Richard Schaefer, au même titre que les autres promoteurs avec leurs moyens ».
Ouvrir la boxe au grand public
Ancien animateur socio-culturel, Fayçal Omrani utilisait la boxe comme outil pédagogique auprès des jeunes. « C’est un bon moyen pour créer une dynamique de groupe. J’ai bossé dans tous les quartiers de Villeurbanne en tant que travailleur social, et aussi en tant qu’animateur sportif, je faisais des rings mobiles » dit-il avec la passion qui l’anime. Aujourd’hui, il organise des séances de sparring (combat d’entraînement) ouverte au public le samedi matin.
Pour faire vivre le club, des joueurs d’équipes de jeunes de football de l’Olympique Lyonnais, mais aussi de l’AS St-Etienne, ou Troyes viennent y faire leurs préparations physiques. « En fait, Cross Counter, c’est à la fois un lieu de préparation pour les professionnels mais aussi un lieu de réathlétisation, pour tous les sportifs de haut niveau qui sont blessés ou qui veulent faire une préparation pour optimiser leurs qualités : des footballeurs, des basketteurs, des patineurs artistiques, des gens du MMA, … ».
« Notre outil est ouvert à tout le monde » précise Julien Aldeguer. « On a des cours loisirs, on encadre des gens qui veulent des préparations spécifiques. On a une belle infrastructure et surtout un savoir-faire à la fois physique et psychologique ».
« Fayçal est connu pour être un grand coach qui pousse les gens à se dépasser ». Après, plus de 10 ans à entrainer dans les galères de l’associatif, la reconnaissance commence à porter ses fruits. « J’ai une dizaine de boxeurs amateurs. L’objectif c’est de former des jeunes qui veulent devenir pro avec des vrais moyens » annonce Fayçal. Le prochain champion du monde français sortira peut-être de l’écurie Cross Counter Boxing Gym. Ce sera tout sauf un hasard.