On se retrouve au parc d’Eole, quand et comment avez-vous commencé à organiser ces entrainements ouverts ?
A partir des Jeux Olympiques 2016, il y a énormément de jeunes du quartier qui se sont motivés à faire de la boxe et du sport de manière générale. Chacun s’entrainait de son côté alors nous nous sommes regroupés. Nous organisons ces entrainements, tous les dimanches, depuis deux ans. Quand je peux, je suis présent, sinon d’autres membres de l’association Secteur Sport Education encadrent l’entraînement.
Nous recevons énormément de demandes. C’est délicat pour nous, car, on ne peut pas recevoir tout le monde. Mais ça se passe très bien. Dans la boxe, ce qui est bien c’est de savoir donner en retour, c’est ce que j’essaye de faire.
Justement, pourquoi c’était important de faire quelque chose dans ton quartier ? C’est important pour toi d’avoir cet ancrage local ?
Même si nous ne sommes pas fermés -certains viennent d’autres quartiers- l’ancrage local est très important. Ça me tient à cœur de le faire dans le 19è.
Une grande partie de mon public vient du 19è arrondissement. Des plus jeunes aux plus âgés, je reçois beaucoup de soutien, c’est ma manière de leur donner en retour. Les gens viennent me supporter, certains font les déplacements de très loin. Lorsque j’ai boxé à New-York, une vingtaine de personnes s’étaient déplacé. Tout ça me donne de la force, c’est une source de motivation supplémentaire.
On sait que tu es également très engagé au Sénégal, quel rapport tu entretiens avec ton pays d’origine ?
J’entretien de très bons rapports. (Il sourit). Je suis né au Sénégal. Nous avons créé l’association Secteur Sport Education en 2011. Nous intervenons dans le soutien scolaire et le sport. Nous aidons une école de foot et pas mal de clubs de boxe. Nous sommes également en relation avec la Fédération Sénégalaise de boxe.
Personnellement, je reçois beaucoup de soutien, ça me fait énormément plaisir. Ça me donne de la force, l’envie de réussir et de pouvoir aider les autres.
D’où te viens cette fibre entrepreneuriale ?
J’ai toujours eu un côté leadership en moi. Ça s’est fait naturellement, j’aime bien prendre les choses en main, être le capitaine, le chef d’équipe. Aujourd’hui, j’essaie d’inculquer cela aux personnes autour de moi. Les pousser à passer des diplômes, à monter leurs propres projets, à investir. A partir de rien et monter petit à petit.
La boxe aide beaucoup aussi. Moi, j’avais juste envie de faire du sport et tout est allé très vite. A force de travail, on réussit.
Raconte-nous comment tu es venu à la boxe.
Avec un groupe d’amis, nous voulions voulait faire du sport et aussi sortir du cadre de notre quartier, du foot, etc. L’un d’entre nous avait commencé la boxe un an auparavant et nous avons essayé. J’ai débuté à l’âge de 14 ans, je ne savais pas donner un direct.
Cet ami en question avait mon âge, et il était en avance sur moi. J’ai beaucoup travaillé pour le rattraper. J’étais déterminé, j’allais courir le soir, j’étais dans ma bulle. Quand je fais quelque chose, je le fais à fond.
A quel moment tu t’es dit que ça devenait sérieux ?
En un an et demi, je suis devenu champion de France cadet. Ensuite, j’ai été appelé en équipe de France. A partir de ce moment-là, j’ai compris que c’était sérieux, qu’il fallait continuer dans cette voie-là, sans pour autant négliger les études. Mon père est très à cheval sur l’éducation, alors j’ai concilié les deux.
Tu suivais un master 2 en droit du sport à la Sorbonne. Qu’est-ce que tu aurais aimé faire, si tu n’avais pas fait carrière dans la boxe ?
Avec l’entraînement aux Etats-Unis, je n’ai pas encore eu le temps de valider mon master 2. Le statut de sportif de haut niveau me donne une certaine flexibilité, je pourrai le valider plus tard. Mon mémoire est terminé, il me reste juste quelques modules à rattraper.
Après les Jeux Olympiques, j’ai reçu beaucoup de propositions en France et à l’étranger. Je voulais vraiment connaître le droit et les spécificités du sport pour protéger mes intérêts. C’était important pour moi de savoir lire entre les lignes des contrats.
C’était enrichissant aussi pour ma culture personnelle. J’ai créé ma boîte SC Agency. Donc pourquoi pas développer ultérieurement une activité de management ou d’agent. On verra ce que l’avenir nous réserve.
Tu évolues désormais aux Etats-Unis auprès de l’entraîneur américain Virgil Hunter. Quelles différences vois-tu entre le monde de la boxe en France et là-bas ?
Tout d’abord, je tiens à dire qu’il y a énormément de très bons coachs en France. Mais nous manquons de moyens. Aux Etats-Unis, tout est professionnalisé, le coach te suit du matin au soir. Et puis, il y a une densité énorme en termes de sparring qu’on ne retrouve pas en France,
Virgil Hunter est un coach très expérimenté, il a suivi Andre Ward des Jeux olympiques jusqu’au plus haut niveau professionnel. En-dehors de ça, nous avons la même philosophie boxe. Il est là pour protéger ses boxeurs avant tout. Nous travaillons beaucoup défensivement, notamment avec le bras avant. Ce que j’apprécie avec lui, c’est que nous sommes dans la science de la boxe. Nous ne sommes pas là pour donner des coups et en prendre.
Comment vois-tu l’évolution de la boxe en France actuellement ?
Pendant un moment, nous étions dans le creux de la vague. Les Jeux Olympiques et les six médailles remportées ont vraiment relancé la boxe. Il y a un réel engouement, les télés s’intéressent de plus en plus à la boxe, le nombre de licenciés a augmenté. De nombreux sportifs de haut niveau s’y essayent également et la boxe en entreprise se développe. Maintenant, à nous de continuer à montrer une bonne image de la boxe, pour faire grandir notre sport.
Est-ce que tu penses qu’avec les mêmes moyens, les boxeurs français pourraient rivaliser avec les américains ?
Bien sûr ! Avec plus de moyens, on pourrait rivaliser avec les meilleurs boxeurs américains, mexicains… On a déjà de très bons champions en France. Aujourd’hui, un camp d’entraînement aux Etats-Unis coûte très cher. Donc, il nous faut juste plus de moyens pour investir.
Tu évolues dans une catégorie relevée, celle des super-welters. Entre les américains Julian Williams (champion WBA/IBF), Tony Harrison (champion WBC), Jermell Charlo et Jarrett Hurd, le mexicain Jaime Munguia (champion WBO), l’argentin Brian Castaño et Michel Soro. Qui est au-dessus selon toi ?
C’est une catégorie très ouverte, il n’y a pas de « super » champion. Jarrett Hurd qui était invaincu s’est fait battre par Julian Williams. Pour moi, Julian Williams est le plus complet. Michel Soro a sa chance parmi tous ceux-là. Et puis, Erislandy Lara qui vient de faire match nul face à Castaño est encore là. Après, comme on dit, en boxe tout peut arriver.
Tu dis être gentil de nature, comment as-tu travaillé sur cela pour être plus agressif sur le ring ?
Il faut essayer de dissocier son caractère dans la vie de tous les jours et sur le ring. La boxe est un sport très dur, il faut parfois être agressif pour faire les bons choix, faire le pressing. On l’a travaillé en leçon, en sparring, au sac. C’est une mentalité à avoir et ça commence à payer !
A quoi pense l’ado du 19è, quand il se retrouve à boxer à New-York, au Madison Square Garden ?
Ben écoute, j’ai ressenti beaucoup de choses. Le Madison Square Garden est un lieu mythique. Enormément de grands champions sont passés là-bas. Quand tu arrives et que tu vois l’affiche avec les grands noms, c’est beaucoup de fierté, je suis très content et les personnes autour de moi également.
Aujourd’hui on travaille dur. Certes, le Madison Square Garden c’est magnifique mais si on peut faire un championnat du monde ou un gros titre là-bas, là, ce serait vraiment un truc de fou !