Comment se déroule votre préparation à quelques semaines du Tournoi de qualification olympique ?
J’ai énormément travaillé ma condition physique, étant donné que ma boxe est très offensive, il faut que je sois très bien préparé. Maintenant, je vais terminer ma préparation à l’INSEP (ndrl : entretien réalisé le 7 mai 2021). On rentre dans la phase de sparring. J’aime bien me préparer en mettant beaucoup les gants, jusqu’à une semaine avant le début du tournoi. Je suis dans la même détermination que pour un championnat du monde professionnel.
Justement, quelles différences de préparation voyez-vous entre les Jeux Olympiques et un championnat du monde professionnel ?
La boxe olympique est une discipline à part entière. C’est vraiment toucher sans se faire se toucher. J’ai toujours cette recherche de vouloir faire mal, mes coups sont verrouillés mais je cherche à mettre plus de rythme. Trois rounds, c’est court mais intense. Comme je veux asphyxier mes adversaires, je dois être plus explosive qu’en boxe professionnelle où je recherche davantage la puissance. Si l’on croit que faire la transition est facile de la boxe professionnelle à la boxe olympique, on se trompe. Dès 2019, je suis revenu pour m’acclimater, me remettre en question. Il a fallu que je sorte de ma zone de confort et que je mette mon orgueil de côté. L’équipe nationale olympique est un environnement différent. On est dans un collectif, on s’entraîne tous ensemble. On boxe dans des petites salles, des gymnases, il n’y a pas la médiatisation qu’il peut y avoir chez les pros. Même dans les championnats du monde, il n’y a pas forcément beaucoup de public. J’ai énormément travaillé pour m’adapter à la boxe olympique. J’ai pu retravailler des aspects techniques qui me serviront, je n’avais que trois ans d’expérience en boxe amateur avant de passer professionnelle. C’est drôle, je fais un peu le chemin inverse de celui que font les boxeurs traditionnellement.
Pourquoi avoir voulu faire les Jeux Olympiques ?
C’est un défi. En tant que championne, je cherche à enchaîner les titres. Imaginez, que je devienne championne olympique en parallèle de mon titre de championne du monde professionnelle. Il n’y a aucun champion du monde professionnel qui s’est positionné sur les Jeux olympiques, je suis la seule. C’est une prise de risque, j’aurai pu me faire éliminer des championnats d’Europe amateur, faire une contre-performance. Finalement, j’ai été en finale.
Qu’est-ce que représente les Jeux Olympiques pour vous ?
En étant passé professionnel à l’époque, je pensais ne jamais pouvoir faire les Jeux Olympiques. C’est une opportunité extraordinaire pour tout sportif de haut niveau. Je ne pouvais pas refuser. En tant que boxeur professionnel, bien sûr on représente notre pays mais ça reste une carrière individuelle. Tandis qu’aux Jeux Olympiques, on représente sa nation, on représente l’équipe de France. J’ai les yeux qui brillent, rien que d’en parler.
Vous avez débuté par la savate. Qu’est-ce qui vous a attiré vers les sports de combat ?
J’ai toujours fait beaucoup de sport. J’ai essayé le foot, même le karting (rires). Au foot, je m’embrouillais sur les terrains. Le sport collectif c’est compliqué, quand vous faites des efforts et que certains n’en font pas. C’est frustrant. Et puis, ce n’était pas assez physique à mon goût. Je cherchais aussi un sport où je pouvais être la meilleure. Je suis tombé sur la boxe française à l’âge de 14 ans. L’entraineur a vu que j’avais une bonne condition physique alors il m’a mis avec les adultes, ça m’a plu. Je n’étais pas une adolescente facile. J’étais une forte tête, je n’admettais pas la défaite. Quand ça n’allait pas, je jetais les gants, je sortais prendre l’air et je revenais. Ça m’a fait grandir, j’ai appris à respecter l’adversaire. J’allais à l’entraînement une fois, deux fois, trois par semaine, puis tous les jours. Voilà comment j’ai pris goût à la boxe.
Pourquoi être passé du pied-poing à l’anglaise ?
Au final, j’ai pratiqué la savate pendant 7 ans, mais j’étais déjà meilleur avec les poings. J’ai aussi fait du K1, du kickboxing. J’ai découvert la boxe anglaise, chez les Mezaache à Clichy, en 2009. Cette année-là, je finis vice-championne de France dans les deux disciplines. Je suis rentrée en équipe de France où il y avait beaucoup plus d’opportunités de tournois internationaux qu’en pied poings. Les dirigeants m’ont conseillé de me consacrer uniquement à la boxe anglaise pour pouvoir m’améliorer.
Vous avez toujours eu ce style agressif ?
Oui, vous savez, lors de mes premiers assauts, je me suis fait disqualifier directement ! Je n’ai jamais compris ce concept de mettre des coups sans faire mal. (rires) J’ai toujours adoré cette boxe physique. Ma boxe est vraiment plus adaptée au monde professionnel. Mon modèle, c’est Manny Pacquiao, je veux accumuler des titres, c’est mon rêve.
Qu’est-ce qui vous inspire chez Manny Pacquiao ?
Je l’admire énormément. Je me suis inspiré de lui dans la variété des coups, son cardio hors-norme, sa régularité. Il met énormément de coups, il touche tout le temps. « Tac-tac-tac », il use ses adversaires, il ne s’arrête pas.
C’est important pour vous d’avoir un style spectaculaire ?
C’est ce qui fait vivre un combat de boxe. Je n’ai pas envie que les gens baillent quand ils me regardent boxer. J’aime les combats à sensation mais je sais que ça peut se retourner contre moi aussi. Quand je suis attentiste, j’ai l’impression de perdre. Je ne supporte pas l’attente. Je pense qu’on boxe comme on est dans la vie. Je suis quelqu’un de dynamique. Sur le ring, je n’ai pas envie de m’ennuyer. C’est pour cette raison que je me dois d’avoir une condition physique irréprochable.
Vous avez signé en co-promotion avec Matchroom dans l’objectif d’unifier les ceintures. Des trois autres championnes, laquelle semble la plus compliquée selon vous ?
Pour l’instant je suis concentrée sur les Jeux Olympiques. Ensuite, bien sûr l’objectif sera d’unifier les ceintures. Je devrais boxer en septembre. Beaucoup pense qu’Hyun Mi Choi (ndrl : championne WBA des super-plumes) est en dessous. Je ne la sous-estime pas. Elle est sûre d’elle, elle a l’air de bien encaisser les coups. C’est la seule qui avait acceptée de me boxer. On aurait dû s’affronter en Corée du Sud, le combat a été annulé à cause de l’épidémie de covid-19. Même si la WBA est la ceinture que j’affectionne le plus, j’attends impatiemment de boxer Mikaela Mayer (championne WBO) depuis qu’elle m’a provoquée sur les réseaux sociaux. (sourire)
Pourquoi avoir voulu être policière ?
Depuis toute petite, quand je voyais des voitures de police, les gyrophares, j’étais dans l’admiration. J’avais une voiture télécommandée de la police. (rires) C’est une réelle vocation. J’ai toujours voulu entrer dans la police et ça n’a jamais changé. J’ai passé le bac et je suis entrée en école de police à 19 ans. Je suis passée par la CSI (ndrl : « compagnies de sécurisation et d’intervention » à Paris et en petite couronne parisienne), j’étais détachée pour les Jeux Olympiques. J’ai toujours mené ma carrière de policière en parallèle de ma carrière sportive. Mais pour l’instant, j’ai mis ce travail entre parenthèses pour me consacrer pleinement aux Jeux Olympiques. En 2018, vous avez reçu la médaille de bronze du courage et du dévouement de la préfecture de Paris après avoir sauvé un jeune homme blessé dans un accident de voiture.
Pouvez-vous nous raconter ce qu’il s’est passé ?
Nous étions en patrouille et nous avons entendu de gros bruits de vitre. J’étais au volant, j’ai de suite fait demi-tour, une voiture s’était encastrée dans un abribus.
On sort, et on découvre un homme avec une jambe complètement arraché qui tombe par terre. Les occupants de la voiture ont pris la fuite et mes collègues les ont pourchassés. J’ai approché la victime et j’ai eu un moment de vide avant de reprendre mes esprits. On a contacté les secours puis on a essayé de lui faire un garrot avec une ceinture mais ça ne fonctionnait pas. Depuis les attentats de 2015, j’ai toujours un garrot dans la poche. Nous avons mis en place ce garrot avant que le Samu arrive. J’ai sauvé deux vies dans ma carrière. La deuxième fois, c’était lors d’une bagarre entre migrants dans le 18è, l’un d’eux avait pris un coup de tesson de bouteille au niveau de la carotide. Il saignait énormément, mon collègue essayait de comprimer la plaie mais il n’arrivait pas car la victime bougeait à cause de la douleur. J’ai maintenu la plaie avant que les secours arrivent. Ce sont deux histoires tristes mais on appelle rarement la police quand tout va bien…