A chaque édition des Jeux Olympiques, des décisions litigieuses de juges créent des polémiques autour de la boxe. Alexis Vastine, en pleurs allongé au milieu du ring à Londres 2012, Michael Conlan qui retire son débardeur, insulte et fait des doigts d’honneur aux officiels à Rio 2016. Ces images ternissent l’image de la boxe aux yeux du monde entier. En plus de gâcher le spectacle, ces erreurs lèsent les boxeurs victimes d’injustices. C’est toute une préparation de plusieurs semaines qui est gâché et une stagnation voire une perte de temps pour leurs carrières. Une médaille olympique peut permettre d’obtenir un gros contrat de promotion, une médiatisation accrue donne lieu à des sponsors.

Plus de la moitié des combats professionnels se terminent par un verdict des juges, encore plus dans le monde amateur. Comment faire en sorte d’améliorer le système de jugement ?
Quels sont les critères de jugement ?
La puissance, la précision, le nombre de coups, l’efficacité, l’agressivité, la défense, l’habileté, la condition physique, l’application de la stratégie… Sur quels critères note-t-on un combat ? Séverine Gosselin, présidente de la commission nationale des officiels de la FFB distingue trois éléments. « Le premier est le nombre de coups avec impact sur les cibles autorisées. Dans ce premier critère, il faut différencier le petit impact du punch bien appuyé, qui sera privilégié. En deuxième critère, nous avons la domination dans le combat, qui est une domination technique et tactique. C’est la façon dont le boxeur arrive à faire des combinaisons d’attaque et de défense et qui suivent une construction. Enfin, il y a la compétitivité, qui est comment le boxeur impose son rythme et ses actions : il ne subit pas les attaques de son adversaire, c’est lui qui impose la façon de boxer. »
Pour Steve Weisfeld qui a jugé plus de 1600 combats dont 80 championnats du monde professionnels, un seul critère importe. « Souvent, j’entends dire que les juges se concentrent sur quatre critères : les coups nets, l’agressivité efficace, la gestion du ring et la défense. Mais selon mon expérience et les discussions que j’ai eues avec d’autres juges et durant des séminaires, les coups nets sont les plus importants. Les trois autres critères le rejoignent. Comment un boxeur est efficace ? En mettant les coups nets. Et la défense ? En touchant sans se faire toucher. Et la gestion du ring ? Un boxeur utilise le ring pour se mettre dans les meilleures dispositions pour mettre les coups les plus nets. »
C’est là qu’intervient une certaine subjectivité. On peut compter le nombre de coups, mais on ne peut pas évaluer la puissance de chaque coup donné. Pour exemple, lors du troisième combat entre Manny Pacquiao et Juan Manuel Marquez en 2011, Pacquiao a rentré plus de coups mais Marquez a touché avec les coups les plus puissants. Les rounds furent très serrés et dans ce type de combat, il reste difficile d’établir un vainqueur.
Comment juger la qualité des échanges ?
Mise en place du début des années 90 au, la « scoring machine » en amateur a donné lieu à des effets pervers. De nombreux juges ont alors privilégié la quantité d’échanges au détriment de la qualité. Cela valorisait le seul style agressif, sans prendre en compte les stylistes ou « contreur ». Les boxeurs sont devenus des « machines » à mettre de coups en délaissant la précision, l’impact et la puissance des coups.
Est-ce que le coup a touché ou est-ce qu’il est arrivé dans la garde ? Ou peut-être a-t-il « glissé » sur les gants ou a été amoindri par une esquive ? Qui domine l’échange lorsqu’un boxeur donne quatre coups parés, esquivés et son adversaire qui place deux coups nets au menton pleine face. L’idéal voudrait que le juge tienne compte de tous ces éléments. Le code de la WBC, par exemple, mentionne clairement que les cibles « principales » que sont « la mâchoire, le visage, le plexus, le foie ou le cœur » devraient compter davantage dans la notation des juges.
Un jugement « humain »
Pendant les trois minutes de chaque round, les juges doivent faire abstraction de tous éléments extérieurs (bruit de la foule, …) pour se concentrer et rendre un verdict en « leur âme et conscience ». Interrogé par France Info à la suite de la disqualification de Mourad Aliev en quart de finale des JO de Tokyo, Séverine Gosselin estime que « le problème de la boxe est que le jugement repose sur l’œil humain. C’est l’humain qui juge les combats, contrairement à l’escrime ou au taekwondo par exemple où il y a des plastrons électriques, et où l’impact est compté. En athlétisme, c’est le premier qui arrive qui a gagné donc c’est visible. En boxe, c’est différent. »

On peut distinguer quatre critères admis lors de la décision des juges.
Les coups nets : La puissance au-dessus de la quantité. Les coups les plus nets et les plus puissants compteront plus au niveau du jugement.
L’agressivité efficace (Effective aggressiveness) : Si un boxeur avance, « fait le combat » comme on dit, mais n’arrive pas à donner de coups nets et se fait contrer, il ne domine pas. Souvent, les juges privilégient le boxeur qui met le plus de coups, sans réfléchir à l’efficacité, ou si les coups ont vraiment touché. Est-ce que le boxeur touche ou est-ce qu’il ne fait qu’avancer de façon stérile ?
La stratégie du ring (Ring generalship) : Quel boxeur contrôle l’action et donne le tempo du round. Lequel arrive à mettre en place sa stratégie ?
La défense : Selon Le code sportif de la boxe professionnelle de la Fédération Française de boxe : « Esquives, parades, façon de rompre le combat. Les coups parés ou bloqués ne sont pas pris en compte. Seuls sont comptabilisés les coups portés régulièrement. Dans le corps à corps, l’appréciation du travail effectué porte sur l’efficacité offensive et la supériorité acquise. »
La notation des juges
Chaque juge note indépendamment chaque reprise. Le jugement se fait round par round et non pas sur l’ensemble d’un combat. Hypothétiquement un boxeur A peut donner le plus grand nombre de coups nets sans être déclaré vainqueur, il faut en effet qu’il soit plus efficace que son adversaire sur plus de la moitié des rounds (7 rounds sur 12 pour un championnat du monde). Après la fin de chaque round, les cartes de score des trois juges sont données à l’arbitre et remises aux officiels. À la fin du combat, le total des points de chaque juge est comptabilisé avec déduction des points d’avertissement.
10-10 : il est très rare qu’un juge note un round à égalité. Cependant, si aucun des deux boxeurs ne prend l’ascendant sur l’autre, il serait plus juste de compter le round à égalité. C’est une carte que peu de juges rendent dans les faits.
10-9 : bulletin classique donné lors d’un avantage clair d’un des deux boxeurs.
10-8 : lors d’une écrasante domination avec ou sans knockdown. Ce score doit être donné dès qu’il y a un knockdown même si le round se rééquilibre ensuite.
Un point est retiré à chaque knockdown supplémentaire, 10-6 étant le score minimum.
Il subsiste un raisonnement dans le monde de la boxe- qui n’existe dans aucun règlement- mais qui dit que le challenger doit aller « chercher » la ceinture et dominer nettement le champion pour l’emporter.